La communication des éditeurs de navigateur ressemble plus en plus à celle des vendeurs de lessive, mais au moins on commence à voir l’importance des performances.
Le navigateur le plus rapide au monde !
On apprend ainsi que Firefox 3 est le navigateur le plus rapide au monde ! En France c’est bien sûr Tristan Nitot qui relaie l’annonce en prenant pour base un billet du blog ZDNet qui compare javascript.
Il s’agit en fait des résultats d’un test de performance Javascript. Le test lui même, SunSpider, est publié par Apple via le projet webkit. Firefox 3.0rc1 y arrive effectivement en premier, à peu près à même niveau que Safari 3.1. Globalement les autres navigateurs en développement ou récents sont deux à trois fois plus lents (IE 8, Opera 9.2 & 9.5b, Safari 3.0). Firefox 2 est même quatre à cinq fois plus lent, Internet Explorer 7 est presque dix fois plus lent.
Versions de développements
On fait valoir que le gain de Firefox 2 à Firefox 3 est très important pour les utilisations de tous les jours, mais dans la communication de nombreux sites ce qui transparaît que c’est parce que Firefox 3 est le plus rapide au monde. On oublie qu’en fait c’est Firefox 2 qui est étonnamment lent par rapport à tous les autres (Internet Explorer 7 mis à part).
Pire, de mon point de vue : on met en valeur Firefox 3 en … faisant la comparaison avec Internet Explorer 7. Firefox 3 est en version de développement, pourquoi ne pas alors être honnête et comparer avec la version de développement d’Internet Explorer ? la beta 1 est dans le graphique, et si la différence de performance reste importante en valeur absolue, elle n’a plus du tout le même impact pour l’utilisateur final. Internet Explorer 8b1 étant tout de même deux fois plus rapide sur ce test que Firefox 2 (et plus rapide que Firefox 3.0b1 si on veut prendre le même niveau d’évolution)
Du coup je ne peux de plus que m’étonner de l’absence des versions de développement Safari. Les versions de développement des autres navigateurs y sont et l’équipe webkit nous parle en permanence de grandes avancées à propos de Javascript et Squirrelfish. Ah, visiblement sur le même test les versions de développement de Safari avec le nouveau moteur javascript SquirrelFish est quatre fois plus efficace que le Safari 3.0, soit presque 2 fois plus rapide que Safari 3.1 et encore 50% rapide que le navigateur le plus rapide au monde (je parle de Firefox 3.0rc1 si vous me suivez bien).
Des chiffres triés
Alors en remettant dans le bon contexte :
- Dans les navigateurs en version de développement c’est Safari qui mène la danse, Firefox est derrière (50% plus lent), puis Opera 9.50b2 (3x plus lent) et enfin Internet Explorer 8b1 (4x plus lent).
- Dans les navigateurs en version stable, c’est encore Safari 3.1 qui mène la danse, puis Opera 9.26 (2x plus lent), Firefox 2.0 (4x plus lent) et enfin Internet Explorer 7 (8x plus lent).
Firefox navigateur le plus rapide au monde peut laisser le trophée à Safari, en tout cas sur ce test javascript. Le futur Firefox est même à peine plus performant que l’actuel Safari. On peut aussi voir que tous les navigateurs ont bien amélioré leurs performance, environ d’un rapport 4. Firefox ne fait donc pas exception. Seul Opera a fait moins d’avancées, mais à sa décharge il n’était pas mal placé et reste à des performances honorables.
La seule chose que je remarque dans le graphique ce n’est pas la performance de Firefox 3, s’est les extraordinaires contre-performances de Firefox 2 et Internet Explorer 7 (même si ça fait mal de voir les deux associés quand on parle de performance). Et la chose qui me manque dans le graphique c’est le futur Safari, qui fait une différence extraordinaire avec tous les autres.
Vendeurs de lessive
Je ne peux m’empêcher de regretter ces arguments de vendeurs de lessives. Mon futur navigateur en développement est le plus rapide au monde, à condition de ne pas compter ceux des autres. Ces avancées de performances sont un vrai bonus pour l’utilisateur, il ne s’agit pas de ça. Mais la communication est tronquée et de toutes façons peu aidante pour l’utilisateur.
Certes, Firefox 3 est proche d’une version finale donc il sera effectivement pendant quelques temps le navigateur le plus rapide au monde, mais je doute que ce soit ça l’important aux yeux de l’utilisateur, surtout sachant que les version de développement de Safari font déjà tourner le même code 50% plus vite.
Il fut un temps où le projet Mozilla était présenté comme une démo ou un prototype technologique. Je ne me rappelle plus exactement les termes mais l’esprit est bien celui là. Depuis l’arrivée de Firefox on a une communication qui devient « marketing produit » et qui ressemble à celle d’un vendeur de lessive (celle qui lave plus blanc que blanc). C’est dommage, surtout quand on voit que Safari/webkit, eux, arrive à concilier l’impératif d’avoir une communication promotionnelle par Apple/Safari et continue à avoir des publication relativement objectives et honnêtes sur les sujets techniques via webkit.
Le fond
Je n’ai pu m’empêcher de pousser un petit coup de gueule contre cette dérive marketing mais le fond n’est pas là. Le fond, l’important, il se retrouve aussi dans le billet de Tristan Nitot : Ces gains, quel que soit le navigateur, sont des gains très importants pour l’utilisateur. Là où vous attendiez un résultat, vous ne ferez que percevoir qu’il y a un délai. Là où vous perceviez un délai non gênant, vous aurez l’impression d’instantané. Un facteur 4 ou 5 c’est la différence entre lent et rapide, entre une application frustrante et une application agréable.
Préparez-vous à de grands changements de ce point de vue. Je regrette juste que les développeurs web et les éditeurs de sites web ne se soient pas encore rendus compte de l’importance des performances. Il y a en effet encore du boulot à faire du côté des sites eux-même, et pas qu’un peu.
Pour l’utilisateur ça peut être une révolution, et les éditeurs de navigateurs, eux, ne s’y trompent pas. Les performances sont devenus un argument promotionnel important. Malheureusement pour nous ça veut dire qu’il va falloir vérifier et douter de toutes les communications sur le sujet, qui seront encore moins objectives, honnêtes et exhaustives.
Je rajouterais que cette communication ne se base que sur le test Sunspider : un test purement Javascript (sans DOM). Un navigateur web, ça ne fait pas que ça. Ça télécharge des pages, ça les parse, la même chose avec les CSS, ça positionne des éléments, ça modifie le DOM, etc etc.
Les performance, comme l’accessibilité ou le respect des standards, n’a pas de valeur significative commercialement parlant j’entends. « Mon site doit être premier sur Google et clignoter de partout » est toujours vrai et intrinsèque à la magie du web. Et toutes ces qualités aussi respectables soient-elles ne transforme pas le vilain petit canard en belle poule.
C’est pour moi des assaisonnements, des épices, des condiments qui rendent un repas plus digeste, appréciable, goûtu et ils doivent garder cette importance là. S’il est complexe de réaliser un produit de qualité, il est impossible (statistiquement parlant) d’en concevoir un qui va fonctionner.
Oui, y accorder de l’importance l’est, important, mais absolument pas indispensable ô combien loin de là. Un bon vieux marketing digne des plus grandes marques de lessive ménera un business bien plus loin. Il n’est pas à SF (quel bonheur) pour rien l’autre zigoto de Le Meur.
Les performances des moteurs JavaScripts sont actuellement à l’image des processeurs des PC d’il y a 10 ans. Chaque semaine quelqu’un double celles de son moteur pour un type d’opération donnée, et crie haut et fort que son moteur est le plus rapide.
C’est grotesque, et c’est puéril puisque sur un marché aussi mobile, on n’est pas le meilleur bien longtemps.